D’après Paul Morand, « Ailleurs est un mot plus beau que demain ». C’est ce que j’ai souhaité vérifier en ce mois de février au-delà du 68° parallèle, soit au-dessus du cercle polaire.

S’envoler, prendre le large par la voie aérienne et partir plein nord. Partir et emmener avec soi le rêve de voir une aurore boréale. Pouvoir admirer la danse des couleurs dans l’encre de la nuit était l’une des principales motivations de cette escapade en terre nordique.

Je ne m’étais jamais rendu en Norvège. Pas plus qu’Aurore qui m’accompagnait en terre norvégienne. C’était donc une découverte totale commune en arrivant à l’aéroport de Tromso. J’avoue que j’étais très impatient de partir à la découverte de cet immense pays aux paysages extraordinaires et si diversifiés : fjords profonds, falaises impressionnantes, nature vierge, une ouverture vers l’océan sans aucune mesure et la culture nordique, l’esprit nordique qui recèle entre autres comme ciment l’entraide et la responsabilisation de chaque citoyen.

Voyager dans les pays nordiques en hiver implique de vivre majoritairement dans la nuit. La durée utile du jour n’excède alors pas quatre petites heures début janvier. Deux sujets de consolation cependant : les moments qui précèdent le lever du soleil et celui après son coucher qui s’étire longuement et baigne les paysages d’une lumière surnaturelle. Là,, entre chien et loup, l’heure bleue jette son voile sur la terre glacée. Le crépuscule si interminable… La nuit si prégnante…

Voyager dans les pays nordiques c’est faire l’expérience d’une nature forte, singulière et extrêmement présente et prise en compte par les populations et les pouvoirs politiques. Comme en Islande, des légendes persistent sur l’existence de peuples cachés ou autres farfadets et trolls sur les larges étendues désertiques du pays qui semble chanter un véritable hymne à la nature.

C’est auprès d’un couple de retraité norvégien que je prends possession de mon logement pour deux semaines enchanteresse. Hans a été pêcheur et traversé les mers et les océans. Aujourd’hui ils nous accueillent avec des oeufs de morue et de l’alcool fort. L’association des deux est juste merveilleuse. Et les langues se délient : Hans me raconte tout de ses périples parfois long de plusieurs mois jusqu’en Russie, des difficultés du métier, le froid et l’humidité permanente. Des absences. Une vie de pêcheur en somme. Aujourd’hui, avec sa femme Karoline, ils passent une retraite heureuse au bord d’un fjord protégé des vagues, face au soleil couchant.

Chaque soir, le ballet des couleurs qui inonde le ciel et la surface de l’océan. Chaque soir, le renouvellement du spectacle, fidèle au rendez-vous. Chaque soir cette question : encore un jour de plus ? Ou un jour de moins ? La question existentielle se perdait dans les eaux de l’artique.

Chaque jour la magie opérait ; tout d’abord la lente dissolution de la nuit dans le bleu mystérieux de l’aurore, puis prudemment la lumière qui s’invite en s’excusant presque d’être là, timide et douce.

Chaque jour être subjugués par les miroirs des fjords. La neige avait tout recouvert. Le blanc l’emportait. Seul le rouge des pays nordique, un rouge qui n’existe qu’ici, faisait qu’une habitation se détachait du manteau neigeux.

Chaque jour sillonner les routes gelées pour se perdre dans le blanc. Celui qui annule tout. Celui qui met tout sur le même plan d’égalité. Celui qui éteint les nuances et adoucit tout.

Et puis un jour, atteindre le bout du bout de l’archipel des Iles Vesteralen. La route n’ira pas plus loin. Là, derrière ce globe et ce phare se dressant fièrement sur son promontoire, à quelques le Svalbard et plus loin encore : le pôle nord.



Un soir, par moins quinze, ce pourquoi nous étions venus apparut au-dessus du pont de Sortland : l’aurore boréale. Décrire ce moment est toujours difficile car on sera toujours en dessous de ce qui vous étreint à cet instant. Comment décrire cette dans céleste des couleurs dans un ciel d’encre ? Comment différencier les frissons de plaisir des frisons que le froid vous inflige. Le prix à payer sans doute d’avoir la chance d’être là.
